• Le Témoin

     

    Le printemps avance à grands pas,

    jeunes pousses fleuries et tendres lilas

    s'offrent à notre regard,

    pensées et violas sont sur le départ.

     

    Janvier et février ont fait leurs valises

    en emportant dans leurs bagages

    les frimas de l'hiver, la turbulente bise

    dans leur dernier voyage.

     

    C'est le temps de la renaissance

    violettes et coquelicots

    essaiment nos verts prés

    dahlias et œillets d'inde

    libèrent leurs essences

    en de douces vesprées

     

    Paysans, jardiniers

    s'attèlent à la tâche

    dans les champs, les jardins,

    les sillons sont tracés

    préparant les semailles

    du futur mois de Mai

     

    Pommiers et cerisiers

    dès le potron-minet

    révèlent au soleil,

    la couleur de leurs fleurs

    sensibles à notre cœur

     

    Théorie du chaos

    hasard ou renouveau

    Adieu manteau d'hiver,

    adieu corvées de bois

    les veillées solitaires

    près des chenets de l'âtre

    hors la neige et le froid.

     

    Bientôt le mois de mai

    le temps des randonnées

    annonciateur d'été

    échevelées broussailles,

    chênaies en bataille

    et marguerites aux prés.

     

    ChrisDaniels

     

     

     

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    Assis sur un rocher,

    un enfant regarde la mer

    et ses reflets d'argent.

    Il rêve qu'il est officier

    d'un beau bateau tout blanc

    allant de terre en terre

    pour retrouver son père

    disparu dans les flots,

     beaucoup trop tôt

    comme tant de marins

    dans la mer, sa maîtresse

    le laissant orphelin

    et en pleine détresse...

    Mais sa pensée s'égare

    et n'était pas première,

    s'il s'évadait souvent,

    c'était pour des pays,

    des îles sous le vent

    remplis de beaux jouets

    et mille sucreries...

    comme tous les enfants,

    et chaque jour ainsi

    Il se levait d'un bond

    courroucé par son rêve.

    "Au diable mes illusions,

    je m'octroie une trêve"

    se disait-il, debout

    "plus tard, j'aurai le temps..."

    pensait-il sur l'instant

    "c'est mon père avant tout

    qui me manque sur l'heure

    ma mère est toute triste

    et souvent je la vois

    elle se cache et elle pleure

    cette vision m'attriste,

    je frissonne et j'ai froid

    moi, le fils du Toinou

    le marin de Bretagne,

    disparu dans les flots

    à bord du Kenavo"

     

    Ainsi c'est chaque jour

    à la sortie d'école

    que le fils du Toinou

    s'assoit sur ce rocher

    parmi les herbes folles

    et tous le voit passer

    chaque salut de main

    de ses frères, les marins

    et leurs bateaux qui fument

    chaque corne de brume

    qui revient vers le port

    lorsque descend le soir

    est un geste d'espoir

    sur un funeste sort.

    l'espoir d'un lendemain...

    un espoir de marin.

     

     

     

     

     

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    Spi tendu, l'Orchidée fendait les flots en grand largue par vent arrière. Ti-Albert maintenait la barre, balancine serrée, pour garder la bôme de la grand voile perpendiculaire au vent.

     

    Des odeurs de cuisine flattèrent agréablement les narines des deux hommes placés à la poupe.

     

    -Mo pe gagne faim ! Bon nanna ! S'écria le créole en roulant des yeux.

     

    -Tu as raison Ti ! Ça sent bon ! Allons voir ! Bloque la barre !

    Ils descendirent l'échelle conduisant à l'office. Au même instant le carillon placé au milieu du carré bien dégagé sonnait les douze coups de midi. Moon, vêtue d'un paréo et d'un haut constellé de fleurs de frangipanier achetés à Hawaï préparait langouste et calamars grillés accompagnés de riz blanc et de jeunes pousses de bambous, le tout saupoudré de safran et de curcuma.

     

    -Mo pe gagne faim ! Répéta le créole.

     

    Chris et Moon éclatèrent d'un rire qui devint très vite... général.

     

    Deux jours s'écoulèrent ainsi. La monotonie commença à envahir les mètres carrés du fifty.

     

    Ils avaient dépassé les Maldives depuis trois cent miles lorsqu'un fait nouveau se produisit.

     

    Ti-Albert, accoudé au balcon arrière, les pieds dans l'eau, se leva brusquement, comme piqué au vif en vociférant les cent diables. Se dressant vers la surface, dessinant des figures de huit ou tournoyant sur eux-mêmes, une dizaine de squales à la silhouette reconnaissable et de toutes tailles engageait une phosphorescence effrénée de danses rituelles.

     

    Blême, Ti-Albert souffla dans sa conque, appelant le couple occupé à une tâche fastidieuse...l'inventaire de la cambuse. En entendant la « voix des dieux », Chris et Moon se ruèrent sur le pont, croyant l'affaire sérieuse. Mais ils ne découvrirent que le créole sautant sur le pont comme un cabri et au bord de l'apoplexie.

     

    -Que se passe-t-il Ti-Albert ? Fit Chris, à la limite du fou-rire.

     

    -Patron...Moiselle...venez... là...voir ! Nez-nez-pointes ! Beaucoup !...

     

    -Nez-nez-pointes ?!!!..qu'est-ce ?...demanda Moon, incrédule.

     

    -c'est un terme à eux pour désigner le mako, un requin aux dents incurvées vers l'intérieur...sans doute fit Chris.

     

    En voyant la mimique du mauricien, gesticulant en tous sens, doigts en avant pour conjurer le sort, ils se libérèrent du fou rire jusqu'alors contenu.

     

    -Yo !...aides moi patron, pou l'amour du doux Jésus...ils ont chatouillé mes pieds s'écriait-il...

     

    Chris coupa court.

     

    -Venez Ti, nous allons déjeuner...nous verrons après ce que nous pouvons faire.... !

     

    Une heure plus tard, Ti-Albert préparait sa vengeance. Il commença à monter la ligne...vingt mètres de filin de 16 en polyester auquel il attacha un fût de plastique en guise de flotteur médian, le tout terminé d'une chaîne

    pourvue d'un émerillon d'affourche auquel était accroché à un ain boetté, une thonine de vingt cinq livres.

    Il laissa couler le filin à bâbord du voilier, attachant la partie supérieure à un winch d'écoute. Le flotteur partit à la dérive et se stabilisa à une dizaine de mètres puis il s'assit et attendit.

     

    L'attente ne fut pas longue. Une traction brutale entraîna le flotteur vers le fond pour réapparaître et disparaître à nouveau. Le visage du créole était inexpressif, impassible. La vengeance est un plat qui se mange froid et Ti-Albert avait bien l'intention de manger du requin ce soir. Tous ses sens semblaient accaparés par ce bras à demi tendu qui retenait le filin. Une nouvelle secousse plus forte l'obligea à mettre genoux à terre. Il s'arc-bouta en déplaçant le poids de son épaule afin de donner plus de force à sa traction puis abaissa la ligne jusqu'à la lisse afin de freiner la puissance de son adversaire. S'il connaissait la nature de celui-ci, il en ignorait encore la masse. Il avait souvenance d'un jeune requin-demoiselle que son père et lui avaient remonté après plus de quatre heures d'inlassables efforts....

     

    La tension fut telle qu'il laissa filer la ligne, la retenant toutes les trois secondes et la rabaissant vers la lisse pour freiner la descente.

     

    Vingt minutes !....vingt minutes de ce petit jeu épuisant durant lequel l'animal cherchait encore à reconquérir sa liberté. Ti-Albert savait que tout était pratiquement terminé lorsqu'il put la maintenir au même point sans plus d'efforts.

     

    Une fois le requin accolé au flanc du voilier, ils le halèrent sur le pont, Moon y prenant part, maniant la gaffe comme une experte pour le hisser.

    Aussitôt, d'une main habile, le créole glissa le nœud coulant, soulevant la tête. Le filin d'acier pénétra en arrière des yeux du requin puis il serra de toutes ses forces, entrant profondément dans sa peau, derrière l'articulation de l'os maxillaire. Presque aussitôt, levant prestement son gourdin plombé, il l'abaissa violemment à trois reprises sur le dessus de son crâne plat, en récitant à chaque fois une prière vantant la vaillance de son adversaire. D'un mouvement puissant, l'animal, surpris et traumatisé, donna de terribles coups de queue puis quelques secondes plus tard il roula sur le côté et ne bougea plus.

     

    Moon aperçut ses yeux, inexpressifs, encore luisants qui la regardaient de façon sinistre. Elle eut un léger frisson et ébaucha une larme devant toute cette violence.

     

    Le croyant mort, elle avança la main afin de le toucher mais Ti-Albert la retint prestement par le bras.

    -NON ! Moiselle !...mort blanche encore dangereuse...

     

    Instinctivement, elle recula. Effectivement, des spasmes agitèrent le squale. Balayant de sa queue l'espace, il pouvait encore tuer quelqu'un. A mesure que les secondes passaient, les soubresauts devinrent plus faibles puis disparurent. Il était mort.

     

    Alors, Ti-Albert lui prit doucement la main et la dirigea vers la gueule de l'animal qui baillait, indécente, révélant des rangées de dents triangulaires.

     

    -Voilà pouquoi...Moiselle...fit-il en soupirant

     

    Le spécimen était beau. Il avait la tête large, un corps fusiforme terminé par un appendice caudal aux lobes symétriques. Le dos était gris foncé, les flancs gris clair et le ventre blanchâtre. Les nageoires uniformément grises et la ligne placée en avant de la queue se serrant latéralement en deux surfaces horizontales désignaient l'appartenance du prédateur. La denture confirmait l'identité. Contrairement à ce qu'avait dit le créole, ce n'était pas un mako mais un requin blanc....bébé certes mais un blanc de deux mètres cinquante.

    En happant la boëtte, il avait englouti près d'un mètre cinquante d'avançon et l'ain, en se débattant, s'était planté profondément dans sa paroi stomacale, occasionnant de sérieux dégâts et facilitant son agonie.

     

     

     

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  • Le lendemain, dès l'aube, Chris monta sur le pont, échangea quelques civilités matinales avec le créole et glissa le long du roof pour regarder l'océan. 

     

    Les heures passèrent....

     

    Le soleil était au zénith et Moon n'était pas encore levée. Chris descendit aux nouvelles. Parfaitement reposée, la jeune femme était lovée sur la couche, impudique, sensuelle... de quoi faire attraper un infarctus au vieux Ti-Albert...

     

    En refermant la porte, Chris sourit en repensant aux événements de la veille. La nuit avait été fortement agitée. Le dîner copieux n'avait pas, comme à l'habitude, facilité le sommeil. Moon avait commencé à parler de tout et de rien, du passé qu'elle quittait, de l'avenir qu'elle désirait. Couché à ses côtés, Chris avait regardé ce nouvel amour qui fleurissait et qui l'emmenait jusqu'au bout de ses rêves d'adolescent.

     

    Il avait posé la main sur son épaule et, délicatement, l'avait glissée le long de son dos. D'une caresse aveugle, il avait trouvé la courbe de ses reins cambrés, arrogants de beauté plastique et suivi instinctivement l'arrondi subtil de ses hanches. Moon avait senti la paume de ses mains habiles, errante et avide, toucher son corps et remonter vers son visage qu'elle avait frôlé amoureusement d'un geste apaisant, plein d'assurance. Ses lèvres avaient effleuré sa joue brûlante, butinant la commissure du fruit mûr, ourlé, comme éclaté pour y poser enfin un baiser tendrement passionné.

     

    Moon était restée tranquille, étendue, comme entraînée dans un rêve qu'elle désirait érotique. Elle avait frémi lorsque sa main s'était infiltrée dans le frou-frou soyeux de son chemisier, errant délicieusement sur sa chair exacerbée. Comme par maladresse, il s'était aventuré à la déshabiller, s'attardant aux endroits les plus sensibles, lui procurant ce plaisir exquis jusqu'au complet dénuement. Il avait touché son corps chaud et doux, laissé couler doucement ses lèvres le long de sa poitrine qu'il avait entouré d'un chapelet de baisers pour remonter jusqu'à son cou d'une grâce ineffable. Puis, il l'avait pénétré. Une paix bienfaisante les avait envahis au contact de leurs forces tranquilles, un moment particulier qui n'appartenait qu'à ceux qui s'aiment.

     

    Elle avait semblé inerte comme paralysée par un rêve dont elle avait du mal à se débarrasser, qu'elle ne pouvait oublier parce qu'un courant brûlant, violent et merveilleux les avait secoué tout entier, dans cette intense sauvagerie qui leur avait procuré des frissons étourdissants et interminables. Puis, son bassin avait ondoyé lentement jusqu'au paroxysme, un mélange de plaisir et de douleur, à la limite de l'éclatement, qui avait monopolisé toutes les fibres de son corps.

    Alors, Les bras de Moon, en serres puissantes, l'avaient entouré, l'enserrant, le comprimant, bloquant sa respiration, courant le long de ses reins pour remonter aussi vite vers sa nuque. Les doigts de Chris s'étaient infiltrés dans sa chevelure souple, tel un soc, la ramenant vers lui, rapprochant son visage jusqu'au souffle qui lui parvenait, chaud, saccadé, pour y déposer des baisers appliqués et légers. Les yeux clos, le corps en effervescence, comme électrisé, Moon avait à peine senti Chris qui se déversait en elle...son orgasme, par osmose, avait suivi, violent et démesurément long.....

     

    La tension s'étant relâchée, un bien-être les avait envahi. Ils avaient laissé leur corps apaisé se détendre sur la couche devenue trop petite par rapport au bonheur qu'ils avaient éprouvé.


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  • Le créole connaissait tous les coins intéressants ; il les commentait à mesure qu'ils avançaient. Étirée sur trente cinq kilomètres carrés, Colombo surprenait par sa médiocrité architecturale. Il y avait bien quelques bâtiments de l'époque coloniale disséminés dans le centre mais encore fallait-il ou y résider ou n'avoir rien à faire d'autre pour en examiner les détails baroques...

     

    En quittant le voilier, la veille, ils avaient rasé de leur ombre matinale les environs du fort dominé par l'ancien phare. De nombreux magasins affichant fermé construits en briques rouges constituaient Chatham et York Street ; quant au Galle Face, un hôtel construit en 1864 par des Britanniques et renommé dans toute l'Asie, Chris le connaissait déjà pour y avoir séjourné quinze jours avant de gagner Bangkok. C'était à proprement parler l'un des seuls monuments susceptible de mériter le détour. Chris eut une pensée délicate pour une de leurs clientes d'une Principauté illustre dont il avait fait connaissance lors d'une réception élégante et très classe....c'était avant de rencontrer Moon aussi n'eut-il pas honte de moralement rosir...au souvenir de l'Eléphant Bleu.

     

    Ti-Albert les promena dans Pettah, le long des échoppes de Main Street, traversant le marché aux éventaires somptueux de fruits, légumes et épices ; puis, ils s’arrêtèrent prés du lac pour déguster des mangues délicieuses, se laissant portés par l'alizé spirituel qui hante perpétuellement le musée près de Cinnamon Garden...

     

    Le soir tombé, ils regagnèrent le port et, après un repas « léger » constitué de langouste et de gambas marinés au safran, ils s'endormirent bercés par le clapotis des vaguelettes sur la carène.

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    Ils quittèrent Colombo le lendemain dès neuf heures. Quelques nuages parsemaient le ciel jusqu'à la ligne bleue de l'horizon. Dans la cabine, Moon dormait encore. Chris s'était levé de très bonne heure pourtant, en montant sur le pont, Ti-Albert était déjà au travail, vérifiant le gréement ou corrigeant la barre pour naviguer au prés. Les yeux fixés sur le bord extrême du monde, vigilant, il semblait chercher une ligne familière, soudainement reconnaissable...les Maldives.

     

    -ça va mieux ? demanda Chris

     

    -Mmm...fit le créole, laconique, en balançant la main de haut en bas.

     

    Il fallait reconnaître que, depuis Colombo, celui-ci n'avait pas touché à une seule goutte d'alcool et cette abstinence forcée et quelque peu brutale lui avait occasionné une migraine carabinée s'ajoutant à l'insomnie d'une nuit passée à la belle étoile.

     

    Les nuits à la belle étoile...Ti-Albert...il connaissait ; elles faisaient partie intégrante de sa vie...aussi nombreuses que les jonques circulant en Mer de Chine et par tous les temps. Le bougre était d'une trempe exceptionnelle. Chris pensa qu'il serait mort cent fois à sa place. Aussi, lorsqu'il avait émis l'hypothèse qu'il risquait d'attraper la crève en restant sur le pont, le Créole l'avait regardé dans les yeux, amusé et lui avait lancé : 

     

    -ou capable croire...patron...ou capable croire ?....

     

    Chris n'avait pas insisté, passant outre la sécurité de son seul équipage.

     

    L'orchidée montait à l'assaut des vagues, profitant d'une brise de seize nœuds, louvoyant de soixante dix degrés en serrant le vent pour remonter son lit à plus de trois nœuds. Ti-Albert manœuvrait le voilier de main de maître.... Chris en était heureux.


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