• Le serpent de pierre

    Les deux hommes s'avancèrent vers un coin muni d'un banc de pierre et éclairé par deux lampes à beurre. Ajouré, il donnait sur l'extérieur par une ouverture pratiquée dans le rocher. Un léger bruit attira l'attention du journaliste. Il se retourna. La boiserie se refermait doucement. Le moine le pria de s'asseoir et regarda vers le sillon dentelé de l'horizon.

     

    Les lampes diffusaient une clarté diffuse et faible mais la clarté de la Lune les abreuvait généreusement de ses rayons d'argent.

    Richard resta quelques secondes à regarder d'un oeil inquisiteur le vieux sage qui lui faisait face et qui demeurait muet. Il ne savait quoi penser. Cet homme de foi le passionnait et l'intimidait. Il respectait son silence .

    Il ferma les yeux un instant, envahi par le calme des lieux.

     

     Brusquement, le vieil homme sortit de sa torpeur et prit la parole en le tutoyant,  le regard toujours tourné vers la montagne.

     

    -vois-tu ce paysage....derrière cette embrasure sombre ?

     

    -non bien sûr, vénérable...répondit-il...la nuit malgré la Lune est trop sombre....

     

    -vois-tu...pour toi, je le conçois...l'être simple à l'écoute de ses frères, de ses peines, de sa misère aspire parfois à la fraîcheur du silence vespéral....comme ce soir, mon ami. Leur sacrifice fait parti de ses mantras quotidiens et il n'est pas de nuit où mon âme n'entende leurs lamentations, ne sente leur souffrance et l'impuissance qui me gagne ne s'arrête jamais....ce qui m'amène à parler de ta quête en ces lieux car si le temps m'effleure telle l'ombre d'un khata, il représente pour toi une nécessité vitale.

     

    Il s'arrêta un instant attendant une réaction de Richard qui ne vint pas...par ignorance ou par déférence. Ce dernier semblait subjugué par la voix douce du moine qui s'infiltrait comme une fumée d'opium en lui.

     

     

    Il continua...

     

    -...d'autres hommes avant toi ont foulé ces lieux à la recherche de la Lumière. Pour eux, elle était trop aveuglante, au point de l'ignorer. Comme le puits qui a besoin d'eau, l'ombre a besoin de clarté mais parfois l'ombre de l'eau rejoint la lumière...médites à sa source et ta quête sera terminée. Permets cependant un conseil....mon ami...si la peur t'aveugle, saches que ta loyauté est un miroir...sers t'en. Maintenant....va..et que Bouddha accompagne tes pas.

     

    -Merci...noble vieillard...que Bouddha te bénisse aussi...répondit Richard, légèrement perplexe sur les paroles du Tibétain.

     

    Mais le vieux moine n'entendit pas. A pas lents, il avait déjà regagné les lourdes tentures et telle une ombre, il avait disparu.

     

    Assis, il réfléchissait à l'énigme édictée par le vénérable. Pour l'instant, elle demeurait entière mais en cogitant, il en trouverait la signification...il trouve toujours la solution...

     

     Il se leva et suivit le couloir. Sans connaître la structure des lieux, à mesure qu'il avançait, il descendit une pente qu'il emprunta sur trois cents mètres. Au bout, une salle identique à celle qu'il avait emprunté en arrivant. Plusieurs couloirs partaient du centre. A proximité des passages, des lampes à beurre étaient accrochées. De larges coulées descendaient jusqu'au sol, envahissant les accès obscurs sauf un. L'entrée avait été nettoyée récemment. Il s'approcha, examinant en détail les parois, écoutant au delà des limites de la perception. Aucun son ne lui parvint.  En plongeant dans le tunnel,  muni d'une lampe, il partait à l'aventure mais il savait qu'il avait pris la bonne voie. Il regarda sa montre. Bientôt le jour allait poindre. Il accéléra. Les secondes s’égrenaient. Il avait parcouru une centaine de mètres lorsqu'il aperçut une vivre clarté venant d'un coude du passage....l'ombre a besoin de lumière...avait dit le vieux sage....était-ce là le premier indice ? Selon lui, pas l'ombre d'un doute, il était sur le bon chemin.

     

    Pour conforter son intuition, l'angle dépassé, les lampes étaient plus rapprochées, plus nettes, mieux entretenues. Apparut alors une seconde salle identique à la première. Même topographie, même indice. Il fit vingt pas et, brusquement, cassa la cadence. La lumière devenait plus intense. Placé au milieu, scellé à la voûte, pendait un projecteur d'installation récente. Insolite mais ô combien efficace. Richard voyait distinctement chaque mètre carré des lieux. Un seul couloir partait de la salle, qu'il emprunta, désireux de sortir de ce labyrinthe avant l'aube.

    D'un pas assuré, restant malgré tout sur ses gardes, il allongea la foulée, longeant les courbes, frôlant les angles. Soudain, Il s'arrêta brusquement, interdit...un cul-de-sac. Il jura.

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