• Nammu

     

    Il y eut un instant de flottement durant lequel chacun se toisa, sans animosité, cherchant à prendre la mesure d'une situation qui semblait, au demeurant, ne pas les concerner.

    C'est à cet instant précis que Gar et son équipe firent irruption dans la pièce. Les enfants se turent et, surpris par cette nouvelle intrusion, se rapprochèrent du prêtre.

     

    Ce dernier, légèrement déstabilisé par la morphologie du groupe, se racla la gorge et prit la parole.

     

    -Rrrum.....Arama m'a fait part de votre désir de négocier un échange de pierres de Ninive ?....mais... Je ne suis qu'un simple représentant des dieux ; les pierres précieuses concernent plutôt notre souverain ou le grand prêtre. Pour ma part, Je n'ai guère les moyens.....mais...

     

    Il marqua un temps d'arrêt. N'obtenant aucune réponse, il poussa un hum dubitatif, souffla un peu, libéra du doigt les enfants et continua...

     

    -puisque vous êtes des voyageurs venant de loin, je me nomme Nammu et mon hospitalité vous est offerte. Désirez vous du thé ?....je m'apprêtais à satisfaire à cette envie. .

     

    Il tapa des mains. La jeune Arama surgit presque aussitôt.

     

    -Arama !? Du thé pour nos invités. Fit-il d'une voix doucereuse.

     

    Une minute plus tard, elle réapparut portant un plateau de cuivre ciselé sur lequel reposaient dix tasses ouvragées et une aiguière d'argent d'où montaient les volutes d'un thé délicieusement parfumé.

     

    Elle déposa le tout sur un linge de soie brune posé sur le grand tapis persan, un Senneh situé au centre de la pièce et s'éclipsa aussi vite qu'elle était apparue.

     

    Nammu, sourire en coin, fit le service sans faillir malgré la lourde aiguière et un certain plaisir comme si sa fonction primordiale était de satisfaire ses invités avant lui-même.

     

    Richard avait souvenance, lors de ses pérégrinations au Moyen-orient, des mêmes coutumes inhérentes au savoir-vivre ...le Ta'arof ...des traditions ancestrales qui perdurent. Indéfectibles.

     

    Le breuvage était chaud, légèrement parfumé, glissait le long de la gorge avec délice, un mélange de jasmin, de menthe et de miel, vous invitant à fermer les yeux pour mieux le savourer. Lors de la dernière nuit, il eut été le bienvenu.

     

    Chacun prit trois tasses, chaque fois renouvelées par notre hôte. A la dernière, ce dernier posa son « écuelle » sur le plateau. Chacun fit de même.

     

    -Maintenant....dit-il...nous allons pouvoir parler.

     

    Gar, le premier, prit la parole.

     

    -Je me nomme Gar et voici mes dignitaires. Nous venons de très loin. Nous possédons un kilo de ladjaward de bonne composition et nous vous proposons un échange.

     

    -Avez vous la pierre ? s'inquiéta le Sumérien.

     

    -bien sûr répondit Gar en sortant cette dernière d'un sac tendu par Antineus.

    Constituée à 90 % de lazuli, la pierre, aux lueurs du jour était d'un bleu indigo très prononcé d'où ressortaient des pigments dorés de pyrite et parsemée d'éclats de marbre blanc.

     

    L'homme la prit dans ses mains, la tournant et retournant pour en apprécier la splendeur puis il la redonna à Gar. Il était à la fois fasciné par la pureté du minerai et désappointé de ne pas pouvoir l'obtenir. Il réfléchit, hésitant. L'acquisition d'un tel objet lui vaudrait sans doute toute l'attention de son souverain et peut-être sa nomination au rang de prêtre-roi à la place de ce dernier, le cruel et despotique Abban....L'étranger avait l'air honnête et déterminé....mais que voulait-il en échange ?

     

    -Hum....et que désirez vous en échange ?

     

    -un simple renseignement...noble Nammu !

     

    -pardon?!!!!....fit ce dernier, surpris par ces paroles.

     

    -oui ! Un simple renseignement ne nuisant pas aux lois de la cité contre cette pierre, très prisée par la souveraineté...pensez, une fois taillée, aux influences qui vont vous prémunir contre tous les mauvais sorts et le malheur, pour tous ceux qui porteront des talismans issus de ce morceau d'océan.......Alors ?

     

    -mais...pourquoi moi ? Vous pourriez vous adresser au grand-prêtre Abban puisque vous n'enfreignez pas les lois ?

     

    -une simple raison répondit Gar. Ce dernier raconta ce qui s'était passé au temple, la prestation de l'abject représentant des dieux, son inhumanité et son flagrant irrespect pour ses sujets.

     

    -Rien ne m'étonne de lui...fit Nammu. C'est la raison pour laquelle j'officie de moins en moins au temple, je préfère la compagnie de mes enfants auxquels j'enseigne les devoirs et les préceptes souverains de la Loi dans la compréhension et la compassion pour nos semblables. Maintenant, quel est votre demande ?

     

    -vous connaissez la personne que nous recherchons.....lui, non...

     

    -C'est entendu. De qui s'agit-il ?

     

    -Son nom est En-innim Meskalamdug.

     

    Aussitôt, son visage serein prit, l'espace de quelques secondes, le masque de la terreur. Seule Zora la cybernaute s'en aperçut et avertit son maître de l'expression que sa demande avait provoqué.

     

    -Je ne connais personne de ce nom, ici, à Urim. Peut-être devriez vous voir un peu plus loin, à Eridu, Currupag ou Ourouk....je suis désolé...je vous adresse le salut du retour.

     

    Sur ce, il se leva et s'avança vers la tenture, les laissant interdits devant ce comportement, cette incivilité, à cent lieues de l'irréprochable réception.

     

    Quelle mouche avait donc piqué Nammu à l annonce du nom sumérien de leur ami ?

     

    Le souverain de Génésis n'aimait pas ça. Il sentait que le prêtre lui mentait. Meskalamdug semblait être un sujet sur lequel il ne fallait pas s'étendre ou prononcer...Pourquoi ? Il n'allait pas repartir sans tirer cette affaire au clair. C'était mal le connaître.

     

    Il retint fermement par la longue manche de sa robe le prêtre et, le soulevant de terre comme un vulgaire pantin, lui dit :

     

    -Je crois que vous ne nous avez pas compris. Vous n'avez pas le choix ! Je sais, par conviction, que nous sommes au bon endroit du khasne et que vous connaissez notre ami. Vous avez semblé être surpris, certes désagréablement, par l'énoncé de son nom....ne réfutez pas ce fait...Voyez vous, il est difficile de cacher ses états d'âme à mon amie qui m'accompagne et elle ne se trompe jamais ! Alors....ou notre accord tient toujours et vous nous fournissez le moyen de contacter notre homme et vous empochez le ladjaward...ou vous n'atteindrez jamais « l'Arallu » puisque vous brûlerez....regardez !

     

    Zora, face à lui, se concentra. Ses yeux s'illuminèrent, devinrent de braise.

     

    Terrorisé, l'édile d'Anu se replia sur lui-même.

     

    -Vous êtes des sorciers des montagnes d'Ishtar ? Bredouilla-t-il.

    -non !... se radoucit Gar. Nous venons de bien plus loin et nous possédons les sept clés de la Sagesse.

     

    Ils n'étaient pas venus pour provoquer une hécatombe. La vie humaine était chose sacrée pour le peuple de Génésia. Nul n'avait le droit d'y attenter mais le prêtre l'ignorait et, profitant de sa faiblesse, Gar cherchait par la persuasion à parvenir au but de la mission qu'il s'était fixé...trouver son robinson égaré.

     

     

    « MeskaLe transfuge »

  • Commentaires

    1
    Lundi 23 Novembre 2015 à 08:06

    Bonjour ChrisDaniel, merci d'être passé et le com est très sensé. Je suis désolée de ne pas venir plus souvent et ne pas suivre l'histoire régulièrement mais entre l'hôpital, mon mari et les enfants j'ai peu de temps. Amicalement

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